mardi 17 janvier 2017




        Suisse (ses gouvernements) et
             Espagne républicaine 

  En juin 1940 (vers les 26-27) devant la frontière suisse, du côté de Porrentruy, se pressent les réfugiés républicains espagnols de la Ligne Maginot que l'attaque allemande a rendue inutile (tels ceux de la 109ème Compagne de Travailleurs étrangers CTE de Moselle qui eux-aussi se replient, en pleine débandade, avec leurs chefs français qui leur ont refusé de leur donner des armes pour combattre les allemands à l'offensive). Les espagnols cherchent eux aussi refuge et cette Suisse du prétendu "Droit d'Asile" qui laisse entrer leurs officiers français refuse aux anti-franquistes portant l'uniforme bleu horizon le droit d'entrer.
    Au prétexte qu'ils sont natifs d'un pays ( dont ils ont du fuir)
qui ne fait pas partie des belligérants et qu'ils n'auraient donc rien à craindre. En fait, la vraie raison : c'est qu'ils sont des "rouges" dangereux. C'était les livrer pieds et poings liés à la Gestapo                                                                     qui en arrivant sur la Frontière put donc en toute tranquillité les envoyer d'abord en Frontstalag (celui de Belfort, par exemple) et plus tard... en camp de concentration : ceux de la 109 ème CTE entreront à Mauthausen avec le convoi du 27 janvier 1941 venant du Stalag de Fallingbostel en Prusse orientale. A la fin de la Guerre, la Confédération est tout aussi infecte avec les républicains espagnols, ces rouges que les armées russes ou américaines viennent de libérer des camps de concentration nazis. Alors que leurs copains survivants français peuvent bien traverser le territoire helvétique pour regagner leur pays, les déportés républicains qui arrivent de Mauthausen en camion et comptent emprunter les routes suisses sont eux arrêtes à la frontière Est. Encore une fois la Confédération leur interdit d'abord le droit de passage, ce qui fait par exemple que Mariano Constante et sus camaradas republicanos de Mauthausen seront les derniers des survivants de la déportation à revenir en France Hôtel Lutetia de Paris. Mauthausen étant libéré les 5-6 mai, ils arriveront à Paris, fin juillet. Je n'oublie pas non plus le mauvais traitement que reçurent aussi les quelques 900 brigadistes pourtant suisses qui de retour de la Guerre d'Espagne durent subir brimades et répression de la part de leur gouvernement (80% d'entre eux iront en prison) et cette mauvaise considération durera jusqu'à il y a peu encore...

   Et pour compléter, ces quelques autres faits :
   Car il ne faut pas oublier que dès septembre 1937, la Banque nationale helvétique ouvrait un compte en faveur de la Junte de Burgos ( par l'intermédiaire du Banco Español de Burgos) ainsi qu' un crédit de 1 million de franc aux factieux ,
   Ou qu'au début février 1939, la Suisse reconnaissait le gouvernement fasciste de Burgos - l'un des tout premiers pays à l'avoir fait -. Aux yeux des autorités de Berne, les républicains espagnols avaient en effet et depuis longtemps « dépassé les bornes ». Dès 1936 à Barcelone par exemple, n'avaient-ils pas osé la socialisation-collectivisation de l'Usine Nestlé ? Le siège de la société en Catalogne lui-même avait été occupé par un comité ouvrier et deux des gestionnaires, Andres Jacot et Victor Bierkens, étaient contraints de quitter la ville. A Santander, c'était les stocks et les fonds de l’entreprise qui avaient été réquisitionnés....
   Qu'en 1946 encore la Suisse refusait de s’aligner sur la décision de l’ONU de retirer les ambassadeurs auprès de Franco et que ses banques continueront de représenter une source importante en crédit pour l'Espagne : fin 1945, c'est par exemple la Société de Banque suisse qui ouvre au gouvernement espagnol de nouveaux crédits ( 7,5 millions de francs suisses) et en 1947 encore (9 millions de dollar), tandis qu' en 1946, c'est le Crédit suisse qui offre 8 millions de francs suisses de crédit au gouvernement espagnol …
   N'oublions pas non plus que lors du conflit mondial le général Suisse Henri Guisan ordonnait à l'aviation et DCA helvétique de laisser toute liberté de survol du pays aux escadrilles nazis qui violèrent donc l'espace aérien en toute légalité et ce jusqu'à la fin 1943 (la physionomie de la Guerre ayant alors changé au profit des forces alliées).
   N'oublions pas qu'entre 1940 et 1944 les sociétés  helvétiques vendaient des armes (canons de 20 mm...) et munitions à l'Allemagne nazie, l'Italie fasciste, la Roumanie et  le Japon, pour 633 millions de francs suisses... en même temps qu'elles exportaient aussi les mêmes matériels vers les pays Alliés - plan B en cas de retournement de la situation militaire, et un sou est un sou ! -, pour 57,5 millions de francs- (statistiques officielles reprises par l'historien Marc Perrenoud, dans "Les mythes de la Seconde guerre mondiale", sous la direction de  par Jean Lopez et Olivier Wiewiorka)
   Qu'en 1937 l'Université de Lausanne faisait docteur honoris causa le dictateur italien Mussolini ( qui savait si bien ses amitiés suisses que lorsqu'en avril 1945, à la fin du conflit mondial, il fut pendu avec sa maîtresse il se dirigeait vers un exil doré vers la Confédération)...
   Seules situations plus positives mais « anecdotiques», puisque concernant 5 cas de personnalités réfugiées et non extradées : celle de cet ancien ministre de la Repùblica, Mariano Anso et celles de trois ex-ministres de la Generalitat, Josep Tarradellas, Ventura Gassol et Carles Marti Feced ou celle du militant communiste Manuel Azcàrate (qui entre en Suisse le 3 avril 1943)...

   Histoire de fric ?... Pas seulement, amitiés aussi avec des dictateurs massacreurs de peuples !
                                                                                                                Philippe Guillen, 17/02/2016

Pour conclure sur le sens de l'hospitalité des autorités helvétiques – des autorités, précisons-le – et élargir le propos, rappelons aussi ces expulsions de réfugiés juifs, qui les ont parfois conduits directement à la mort. Et parmi ces réfugiés expulsés par la Confédération, puis déportés, cet enfant de 5 ans ou bien encore cette jeune fille de 15 ans, Rosette Wolczak,, arrêtée par la milice à Grenoble et qui, après s’être crue sauvée de l’horreur en atteignant la Suisse, périt pourtant à Auschwitz. Atteindre le territoire suisse n'était donc pas la garantie de la Liberté et de la survie :et si la Confédération décida bien de l'accueil de nombre d'entre eux jusqu'en 42, il y eut cependant au moins 850 réfugiés juifs qui furent reconduits vers la France occupée, et 117 d'entre eux « ont été déportés, fusillés ou portés disparus » aussitôt après . Le 4 août 1942, le gouvernement ferme en effet ses frontières aux réfugiés juifs, même s'ils sont en danger de mort et les 10 000 pages du rapport de la Commission Bergier , publié en décembre 1999- consultables maintenant sur Internet - attestent que le gouvernement helvétique et le lieutenant-colonel Roger Masson, chef des services de renseignement de l'armée suisse, étaient bien au courant en 1942 de l'extermination des juifs lorsqu' il est décidé de la fermeture des frontières.

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