13 décembre 2009 THEATRE Editions La Brochure
De la Retirada à aujourd’hui. Un bien beau spectacle !
Témoignage
de Philippe Guillem qui nous a autorisé à le reprendre et qui concerne
un spectacle que nous sommes ainsi heureux de faire connaître. JPD
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De la Retirada à aujourd’hui. Un bien beau spectacle !
Ce vendredi 11 décembre, sous l’égide du Conseil Général du
Tarn-et-Garonne, la salle Descazeaux de Castelsarrasin accueillait un
bien beau spectacle: « Exils d’Espagne, de la Retirada à aujourd’hui ».
Ce soir là, Susana Azquinezer (avec accent tonique!), auteur et
conteuse de grand talent, offrait au public un joli cadeau, tout en
sobriété et efficacité. Texte et mise en scène ont su captiver des
spectateurs qui redécouvraient ainsi qu’il n’est pas besoin de strass et
paillettes pour séduire, d’effets spéciaux pour convaincre et que
lorsque la chose est bien écrite et bien interprétée, les artifices
n‘ont pas lieu d‘être.
Le texte, brillamment ciselé, était tout aussi intelligemment présenté.
Susana Azquinezer plantait d’abord -comme en une première partie- le
contexte et donnait aux néophytes les éléments chronologiques et
politiques essentiels à la compréhension. Le public cheminait ainsi
quelques instants à travers la Guerre d’Espagne en compagnie d’un guide
de tout premier plan, Antonio Machado, le grand poète, le républicain.
Marchant
avec lui depuis sa chère terre espagnole, nous le suivions en exil
jusqu’à Collioure où il devait périr quelques heures avant que sa
vieille mère ne décède à son tour et de chagrin, sur la même terre
étrangère. Dans un deuxième temps -une deuxième partie enchaînée- Susana
donnait la parole aux exilés et leurs familles, à ces humbles inconnus
dont elle a recueilli les témoignages. Maintenant il est question de
froid, de faim, de sang et de larmes, celles des vaincus, mais aussi
-car la vie est ainsi faite- de leurs rires, de leurs chants et de leurs
danses. Les républicains, battus mais non abattus,
sont debout, fiers et forts d’un espoir qu’aucun militaire du monde,
fut-il caudillo, Hitler ou même Pinochet (il en fut question!) ne peut
tuer. Ainsi, le public admiratif et conquis a-t-il pu entendre quelques
belles phrases, simples et justes:
Le « Prenez soin de nos armes. Bientôt, vous en aurez besoin! » que
lance le milicien républicain au gendarme français en poste à la
frontière -c’était en février 1939- ou bien les mots de cette femme
espagnole qui, malgré la douleur et la langue, cherche encore à
communiquer : « on est vivant, on parle aux gens! »
Mais le texte seul ne suffit pas à expliquer l’art de la conteuse. Car
Vendredi soi à Castelsarrasin, ce fut effectivement une bien belle leçon
de théâtre. Démonstration fut faîte qu’avec un minimum d’éclairage,
qu’avec un « simple » accordéon en accompagnement, qu ‘avec une voix qui
jongle de l’espagnol au français pour la traduction, du français à
l’espagnol, nul n’est besoin de maquillage, de costume, de décor… quand
on sait faire vivre ses mains. Car, sur la scène nue, dépouillée, ce
sont elles qui ont sculpté le spectacle. Nul besoin de décor quand les
mains dessinent dans le ciel un horizon, celui des sommets enneigés des
Pyrénées. Quand elles étalent sur la scène tout le sable froid des
plages du Languedoc-Roussillon et le creusent ensuite pour y faire des
trous et des trous, abris sommaires des combattants républicains. Quand
les doigts arrachent à l’espace une matière invisible pour en faire
partout tout autour, les lignes barbelées de l’enfer-mement, des camps.
Quand soudain, les mains cessent de déchirer le vide pour figurer la
pluie ou dessiner le vent, mais virevoltent
au contraire et se rassemblent pour danser qui une jota, qui une
sardane… Quand elles miment aussi les joies, les embrassades, les
retrouvailles.
Oui, ceux qui étaient là à Castelsarrasin ont eu bien de la chance.
Grâce à Susana et son accordéoniste ils ont ainsi pu voyager à travers
le temps et l’espace, du Chili à l’Espagne et de l’Espagne à la France,
de Rivesaltes à Septfonds, à Gurs, à Mauthausen même, avant de sauter
les années puis s’arrêter un instant dans un bien actuel de ces centres
de rétention - une honte!- afin d’y visiter Hassan, le clandestin sans
papier qui croupit là avant expulsion, lui dont le grand-père tirailleur
sénégalais fut médaillé pour avoir servi la France en …gardant les
réfugiés espagnols sur les plages, puis en luttant contre l‘envahisseur
nazi.
Merci donc à
l’argentino-franco-juive (telle qu'elle se présente) Susana Azquinezer - quelle présence, quelle
générosité!- qui a su si bien partir du passé pour poser quelques
questions hélas encore d’actualité: Quand Liberté, Egalité , Fraternité
cesseront-ils d’être des mots, seulement des mots?…ou… Faut-il avoir les
papiers d’ici pour être un homme et reconnu comme tel?…ou…
Philippe Guillen.
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