jeudi 26 janvier 2017




13 décembre 2009                                   THEATRE                                           Editions La Brochure 

De la Retirada à aujourd’hui. Un bien beau spectacle ! 

Témoignage de Philippe Guillem qui nous a autorisé à le reprendre et qui concerne un spectacle que nous sommes ainsi heureux de faire connaître. JPD

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De la Retirada à aujourd’hui. Un bien beau spectacle !

 
   Ce vendredi 11 décembre, sous l’égide du Conseil Général du Tarn-et-Garonne, la salle Descazeaux de Castelsarrasin accueillait un bien beau spectacle: « Exils d’Espagne, de la Retirada à aujourd’hui ».
   Ce soir là, Susana Azquinezer (avec accent tonique!), auteur et conteuse de grand talent, offrait au public un joli cadeau, tout en sobriété et efficacité. Texte et mise en scène ont su captiver des spectateurs qui redécouvraient ainsi qu’il n’est pas besoin de strass et paillettes pour séduire, d’effets spéciaux pour convaincre et que lorsque la chose est bien écrite et bien interprétée, les artifices n‘ont pas lieu d‘être.
   Le texte, brillamment ciselé, était tout aussi intelligemment présenté. Susana Azquinezer plantait d’abord -comme en une première partie- le contexte et donnait aux néophytes les éléments chronologiques et politiques essentiels à la compréhension. Le public cheminait ainsi quelques instants à travers la Guerre d’Espagne en compagnie d’un guide de tout premier plan, Antonio Machado, le grand poète, le républicain.
Marchant avec lui depuis sa chère terre espagnole, nous le suivions en exil jusqu’à Collioure où il devait périr quelques heures avant que sa vieille mère ne décède à son tour et de chagrin, sur la même terre étrangère. Dans un deuxième temps -une deuxième partie enchaînée- Susana donnait la parole aux exilés et leurs familles, à ces humbles inconnus dont elle a recueilli les témoignages. Maintenant il est question de froid, de faim, de sang et de larmes, celles des vaincus, mais aussi -car la vie est ainsi faite- de leurs rires, de leurs chants et de leurs danses. Les républicains, battus mais non abattus,  sont debout, fiers et forts d’un espoir qu’aucun militaire du monde, fut-il caudillo, Hitler ou même Pinochet (il en fut question!) ne peut tuer. Ainsi, le public admiratif et conquis a-t-il pu entendre quelques belles phrases, simples et justes:
  Le « Prenez soin de nos armes. Bientôt, vous en aurez besoin! » que lance le milicien républicain au gendarme français en poste à la frontière -c’était en février 1939- ou bien les mots de cette femme espagnole qui, malgré la douleur et la langue, cherche encore à communiquer : « on est vivant, on parle aux gens! »
  Mais le texte seul ne suffit pas à expliquer l’art de la conteuse. Car Vendredi soi à Castelsarrasin, ce fut effectivement une bien belle leçon de théâtre. Démonstration fut faîte qu’avec un minimum d’éclairage, qu’avec un « simple » accordéon en accompagnement, qu ‘avec une voix qui jongle de l’espagnol au français pour la traduction, du français à l’espagnol, nul n’est besoin de maquillage, de costume, de décor… quand on sait faire vivre ses mains. Car, sur la scène nue, dépouillée, ce sont elles qui ont sculpté le spectacle. Nul besoin de décor quand les mains dessinent dans le ciel un horizon, celui des sommets enneigés des Pyrénées. Quand elles étalent sur la scène tout le sable froid des plages du Languedoc-Roussillon et le creusent ensuite pour y faire des trous et des trous, abris sommaires des combattants républicains. Quand les doigts arrachent à l’espace une matière invisible pour en faire partout tout autour, les lignes barbelées de l’enfer-mement, des camps. Quand soudain, les mains cessent de déchirer le vide pour figurer la pluie ou dessiner le vent, mais   virevoltent  au contraire et se rassemblent pour danser qui une jota, qui une sardane… Quand elles miment aussi les joies, les embrassades, les retrouvailles.
   Oui, ceux qui étaient là à Castelsarrasin ont eu bien de la chance. Grâce à Susana et son accordéoniste ils ont ainsi pu voyager à travers le temps et l’espace, du Chili à l’Espagne et de l’Espagne à la France, de Rivesaltes à Septfonds, à Gurs, à Mauthausen même, avant de sauter les années puis s’arrêter un instant dans un bien actuel de ces centres de rétention - une honte!- afin d’y visiter Hassan, le clandestin sans papier qui croupit là avant expulsion, lui dont le grand-père tirailleur sénégalais fut médaillé pour avoir servi la France en …gardant les réfugiés espagnols sur les plages, puis en luttant contre l‘envahisseur nazi.
   Merci donc à  l’argentino-franco-juive (telle qu'elle se présente)  Susana Azquinezer - quelle présence, quelle générosité!- qui a su si bien partir du passé pour poser quelques questions hélas encore d’actualité: Quand Liberté, Egalité , Fraternité cesseront-ils d’être des mots, seulement des mots?…ou… Faut-il avoir les papiers d’ici pour être un homme et reconnu comme tel?…ou…
 
 Philippe Guillen.
 

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