mardi 17 janvier 2017





1939. TEMOIGNAGES sur Argeles , Barcares , St Cyprien, Rivesaltes , Bram, Le Vernet, Septfonds, Gurs        ... 

   


1939-1940. Témoignages de 1ère main sur la vie dans ces camps de concentration -français ( des Témoignages et des sources ):


"GURS - Les Allemands faisaient crever, les Français laissaient crever. Toute la nuance est là "

1ère phrase du livre de Lilo Petersen , LES OUBLIES , 2007, Ed. Jacob-Duvernet et Librio Document. 2010 . 

Lilo Petersen ( 87 ans ) raconte : Après avoir fui de Berlin pour Paris, Lilo et sa mère sont convoquées au Vel' d'Hiv' en mai 1940, ("épisode oublié", 2 ans avant la célèbre rafle de 1942). Avec 5000 femmes allemandes elles sont victimes d'une 1re arrestation qui les emportera au camp de Gurs, au pied des Pyrénées 

Et là d'aucuns me diront: "Mais, ce sont les camps de Vichy !"
Alors, j'ajoute ces quelques extraits. Et là, d'aucuns ne peuvent plus baratiner: ce sont bien les camps de concentration français crées début 1939 par le gouvernement Daladier . La concentration sous la IIIème République.
Mais pourquoi feindre de s'en étonner ? C'est ce même Daladier et d'autres qui dès 1936 choisissaient la Non-intervention et laissaient toute liberté sans jamais les sanctionner à l'Allemagne nazie, l'Italie mussolinienne et le Portugal de voler à l'aide de Franco et ses sbires.


Maria Bell·lloch raconte =

« Allez ! Allez ! C’est le premier mot de la langue que nous ayons appris. Par la suite, nous l’entendions continuellement. Lorsqu’ils voulaient que nous avancions, ils criaient : Allez ! Allez ! »
Records de la meva infància [Souvenir de mon enfance], Marseille, édition dactylographiée de
l’auteure, 2000 (édition commerciale, Barcelone, Viena, 2000)

Ainsi parle Otília Castellví =

« Personne ne pouvait s’habituer à vivre là-bas, jetées sur le sable, sans le moindre brin de paille pour les enfants ou les vieillards. C’est pourquoi les camps des femmes étaient beaucoup plus tragiques que ceux des hommes car ces derniers n’avaient ni enfants ni vieillards. [...]
Pour nous, les plaintes des vieillards et les pleurs des enfants ajoutés à toutes les autres calamités provoquaient une sorte d’hallucination irréelle. »

« De les txeques de Barcelona a l’Alemanya nazi » ;[Des prisons de Barcelone à l’Allemagne nazie], Barcelone, Quaderns Crema, 2003

ou Federica Montseny =

« Pendant ce temps ma mère mourrait. Pendant ce temps, les proscrits mourraient par milliers, pendant ce temps, je n’avais plus de père, ni de mari, ni de foyer, ni de lendemain. Et, comme moi, des milliers de femmes et d’enfants, des milliers d’hommes, des milliers de familles. »
« Pasión y muerte de los españoles en Francia » [Passion et mort des Espagnols en France], Toulouse, Espoir, 1969

Lluís Ferran de Pol témoigne =

« Aujourd’hui, nous nous sommes approchés de la mer. Nous avons dû contourner les immondices qui remplissent la plage. Mais ici, on oublie tout. Nus face aux vagues, nous ne voulons pas penser que derrière nous il y a une immense plage impraticable sur laquelle des hommes doivent tracer des chemins à la pelle pour que les gens ne s’embourbent pas dans les excréments d’autant de milliers d’hommes. »
[...]
« Si nous avions le conformisme des animaux, nous serions comme eux. Nous sommes bien pis : nous sommes des bêtes tristes. [...]
Il en est ainsi tous les jours et toutes les nuits. Uniquement des sensations primaires : la faim, la jalousie, le froid, la soif... C’est effrayant de se sentir à la fois si près et si loin de la bête. »

Lluís Ferran de Pol, « Campo de concentración (1939) « [Camp de concentration (1939)], Barcelone, PAM, 2003. Un recueil de textes brefs publiés dans la presse mexicaine, et la transformation catalane « De quan de Sant Cebrià del Rosselló en dèiem Saint-Cyprien » (Lorsque l’on appelait Saint-Cyprien Sant Cebrià del Rosselló)

Agustí Bartra =

« Ville de défaite. Les arbres sont de plus en plus loin. On dirait que la plaine se retire. Les nuages errants passent vite. La mer cache son écume. Pas un rire d’enfant, pas un glapissement de fille. Faim et misère. Le pain, ce sont les rats qui le goûtent avant nous. Aujourd’hui, des lentilles. On est sale. Demain des lentilles. Poussière de sable et de sueur. Après-demain des lentilles. Poux, gale, dysenterie. Toujours des lentilles. La France est douce quelque part. »

Agustí Bartr a «  Crist de 200.000 braços » [Le Christ aux 200 000 bras], Barcelone, Aymà, 1974 (réélaboration de la nouvelle Xabola [Bidonville], publiée au Mexique en 1943 )

Avel·lí Artís-Gener (Tísner) =

« Les journées s’écoulaient plus ou moins bien, mais les nuits à la
belle étoile étaient sinistres. L’unique solution consistait à construire une pyramide humaine et à se relayer, chaque fois plus vers l’extérieur. L’espoir de reprendre place au fond de la pile de graisse permettait de supporter
le tremblement et les claquements de dents qui nous assaillaient lorsque nous étions dans la partie extérieure. »
« Viure i veure » [Vivre et voir], vol. 3, Barcelone, Pòrtic, 1991.

Du témoin Carles Fontserè =

« Les très mauvaises conditions des haras étaient aggravées par l’hostilité des gardiens. Du commissaire du camp, qui m’avait semblé sympathique, jusqu’au dernier des gendarmes. ‘Si le traitement ne vous plaît pas, vous n’avez qu’à rentrer en Espagne.’ C’est ainsi que, chaque jour, des groupes fatigués ou apeurés s’inscrivaient pour retourner dans l’Espagne de Franco, immédiatement, ils étaient mieux traités. Aux yeux des gendarmes, ceux qui restaient n’étaient que des voleurs ou des assassins. Mais la dernière chose à laquelle je pensais était de rentrer. Pour moi, la Catalogne n’existait plus. »

« Un exiliat de tercera. A París durant la Segona Guerra Mundial » [Un exilé de troisième classe. À Paris pendant la Seconde Guerre mondiale], Barcelone, Proa, 1999.

Ramon Moral i Quero =

« Des hommes et encore des hommes. Du sable et encore du sable. Des barbelés et encore des barbelés. Des baraques, de grandes baraques... et des soldats noirs. Que font les soldats noirs ?
Ils nous gardent ! Les hommes, ici, ressemblent à des singes en cage. »

« Diari d’un exiliat. Fets viscuts » (1936-1945) [Journal d’un exilé. Faits vécus (1936 – 1945)], Barcelone, PAM, 1979

De Carles Pi i Sunyer =

« Au milieu de cet enfer d’inquiétudes, de privations, de douleurs,d’enfants perdus et de familles dissoutes, de l’incertitude de ne pas savoir de quoi serait fait le lendemain et de quel toit nous abriterait, dans cette confluence de délaissement, d’opiniâtreté et de tristesse, la note la plus significative, mais aussi la plus douloureuse, avec les traits incisifs et les teintes ombreuses d’une eau-forte, était les camps de concentration. Ces monstrueux parcs humains dans lesquels s’amoncelaient comme de dociles troupeaux tant de milliers d’hommes, de jeunes et de vieillards, de soldats, de paysans, difficilement des ouvriers ou des commerçants, rarement des
ouvriers dépendants et des hommes de professions civiles. C’est dans les camps de concentration que se réunissaient les points locaux de la Catalogne souffrante. Mais si ceux qui y étaient furent ceux qui souffrirent le plus, ce sont aussi ceux qui espérèrent le plus. En ces temps de défaite où même les idéaux chancelaient et les convictions se trahissaient, l’endroit où l’on pouvait trouver le plus de foi, de courage et de discipline, c’était dans les camps de concentration. »

Carles Pi i Sunyer «  1939. Memòries del primer exili  » [1939. Mémoires du premier exil], Barcelone, Fundació Carles Pi i Sunyer d’Estudis Autonòmics i Locals, 2000.


Ces quelques extraits proviennent de cette brochure illustrée ( 20 pages
Témoignages catalans des camps français,
Publication Institut Ramon Llull www.llull.ca
Conception graphique : Jordi Calvet www.jordicalvet.net
Imprimé par : Gràfiques Massana


Ou encore ces autres témoignages rassemblés par mes soins =


Témoignage de Remei Oliva ( une civile à Argelés ) =

«   Remei Oliva (8), une réfugiée Espagnole décrit son arrivée en France, à Argelès-sur-Mer :

«... Ils étaient innombrables ceux qui avaient déjà commencé à faire des cabanes sur le sable avec quelques couvertures, et vous pouvez me croire, ce n'était pas une saison pour ça. Il se passa quatre ou cinq jours, et le pain arrivait de l'autre côté des barbelés, et voilà que ce pain fut l'appât de notre souricière: chaque fois, il restait de moins en moins d'ouvertures [ dans les barbelés ]. Au bout de quelques jours il n'en resta qu'une et elle était gardée par des militaires.
A partir de ce jour là, nous devenions des prisonniers espagnols, dans ce camp de concentration d'Argelès-sur-Mer....»

[ Remei Oliva raconte aussi l'épisode l'épidémie de dysenterie qui s'est répandue dans le camp d'Argelès-sur-Mer qui a abrité jusqu'à soixante-dix-sept mille réfugiés ] :

«... Ce camp était comme un immense camping, mais sans liberté et d'une grande misère. [...] Il y avait des médecins espagnols mais ils n'avaient pas de médicament, ils ne pouvaient vous donner que de l'aspirine [...] Une partie du baraquement servait d'hôpital, il y avait de la paille sur le sable, c'est tout. Il faut dire que la dysenterie qui avait frappé tant de monde persistait, et beaucoup étaient à bout de forces. Il les gardaient là sur la paille, et quand vraiment ça n'allait plus, une ambulance les transportait à l'hôpital de Perpignan. Souvent ceux-là ne revenaient plus! Je ne sais pas pourquoi il en fallut un de spécial, mais à Saint-Cyprien, ils firent un cimetière espagnol... » (10)

pages 18 / 19 et page 20 du Mémoire de Eva Lasbats

8 OLIVA Remei, Exode, de l'Espagne franquiste aux camps français (1939-1940), Ed. L'Harmattan, 2010. (p 35 / sur 157 pages)
10 OLIVA Remei, Idem. (p 40 )

Ces 2 sont extraits cités dans le Mémoire de Eva Lasbats. L’APPORT CULTUREL DES EXILES REPUBLICAINS ESPAGNOLS A LA VILLE DE TOULOUSE (1939-1975-Enjeux de la gestion patrimoniale de la mémoire de l’exil républicain espagnol à Toulouse 2013 -



Témoignage de Francesc Teix (qui sait de quoi il parle... Il fut ensuite déporté à Mauthausen ) =

«  En France, les français nous ont traité presque aussi mal que les nazis. Il y avait une seule différence : les français nous faisaient mourir de faim et les nazis nous tuaient directement. Si un chien ou un oiseau vous dérange, il suffit de ne pas lui donner à manger pendant quelques jours et vous verrez si vous ne le retrouverez pas mort. Qui peut accuser les français d'avoir tué ceux qui mouraient de froid, de faim ou de désespoir dans les camps de concentration ? Personne... »

in Monserrat Roig, « Els catalans als camps nazis » ,réédition traduite du catalan – Edition Triangle bleu/Générique, 2005 – page 53 – châp . II. Presoners a França,



Ernest Urzainqui- Falcon témoigne =

« ... Nous sommes rapidement conduits au camp de concentration, déjà presque définitif et construit pour nous, de Barcarés-sur-Mer ; il est situé sur une immense plage désertique et lugubre, nous avons la mer d'un côté et une grande lagune de l'autre ; en bref, nous sommes entourés d'eau de toutes parts. Nous espérions trouver des baraques acceptables, mais notre désillusion est grande : ce sont des huttes immondes qui ressemblent plus à des nids à rats qu'à des habitations pour des êtres humains, elles sont en laine et en forme der triangle, deux mètres de large à la base et un mètre cinquante de haut, autant dire qu'il est impossible de se tenir debout, il faut toujours marcher plié en deux, elles font huit dix mètres de long et ont une seule ouverture à une extrémité. Nous sommes entassées comme des sardines, cinquante hommes, c'est une véritable porcherie ; au sol, il y a un peu de paille déjà à moitié pourrie à cause de l'humidité du sable.
Les poux pullulent par milliers, en l'espace de quelques minutes nous en tuons plus de cent, ils sont gorgés de notre sang, mais tout cela est inutile car un moment après ils t'envahissent à nouveau.
Si les autorités françaises nous accordaient quelques moyens, nous pourrions peut-être en finir avec eux, en faisant bouillir nos vêtements par exemple, mais nous n'avons absolument rien, pas de bois ni de récipients pour cela, pas même du savon, alors pour le moment nous gardons nos poux et nous devrons nous en accommoder. Nous dormons à même le sable, nous avons fait brûler la paille qui était complètement pourrie. Pour boire, nous laver et cuisiner, de l'eau à volonté ; mais quelle eau, simplement un tuyau planté dans le sable, à 100 mètres à peine de la mer, une pompe à main, et en quelques minutes nous avons de l'eau, presque salée, naturellement, et infestée de microbes ; la cause est bien simple : nous sommes des milliers d'hommes entassées comme des sardines, une espèce d'énorme troupeau qui doit faire ses besoins sur la même plage d'où nous tirons l'eau que nous buvons, ce qui suppose beaucoup de pollution et de nombreux risques de maladies ; il y a des morts par intoxication mais qu'est-ce que ça peut faire, tout le monde s'en moque.
La nourriture, très maigre et de mauvaise qualité, n'est pas même bonne pour les cochons, c'est très difficile de se maintenir en forme moralement et physiquement, avec les saletés qu'ils nous donnent... Plusieurs camarades s'évanouissent de faiblesse à cause de la malnutrition... Plusieurs autres, malheureusement, meurent de dysenterie à cause de l'eau infâme que nous buvons. Il y a une espèce d'infirmerie où il n'y a pour tous les maux et les maladies, que l'aspirine ; c'est le remède miracle des camps de concentration. D'après les médecins espagnols qui sont avec nous dans le camp, au moins soixante Espagnols sur cent souffrent de malnutrition ou de dysenterie à un niveau plus ou moins élevé de gravité, il y a aussi un nombre important de pneumonies ; parmi les autres maladies les plus courantes se trouvent la tuberculose, la lèpre, la conjonctivite, et la teigne dans une large mesure...
Dans l'enfer de Dante, il y avait neufs cercles à) passer... Les camps de concentration français qui avaient été réservés aux réfugiés espagnols faisaient partie du dernier cercle, OUI ! Le dernier cercle de l'enfer et de l'horreur... »

Ernest Urzainqui- Falcon « Polvorientos caminos - itinéraire européen d'un républicain espagnol (1936-1945)»-
texte présenté par François Godicheau - Editions Privat, 2010- pages 86, 87, 88.



Récit d'Indalecio Gonzalez Roble =

«  Nous de la frontière, ils nous ont amenés au camp de concentration de St-Cyprien. Il n'y avait rien que du sable, il n'y avait pas de baraques. Il y avait Rrrrien !!!
Il y avait beaucoup de fils barbelés, de l'autre côté pour qu'on s 'en aille pas. Pour qu'on ne sorte pas, Et de l'autre côté, il y avait la mer ! Donc : on ne pouvait pas sortir, Et du côté des fils barbelés, dehors, il y avait des Sénégalais qui nous gardaient...
Quand même, ça aurait du être provisoire et puis... des conditions décentes... Ce qu'il y a : ils ont commencé à faire des baraques. Le camion qui portait le pain, il rentrait pas dedans, il nous jetait le pain comme ça... dehors et on donnait du pain pour quatre. Et on le partageait ; celui qui le prenait le partageait avec trois autres personnes. Puis après, ils ont commencé à faire des baraques. Cinq ou six baraques en bois. Evidemment là, on a commencé à organiser un peu : les professeurs, les intellectuels et tout ça. J'étais pas un intellectuel ! Ils ont commencé à donner un peu de leçon, à créer des jeux.
Dans la baraque où j'étais la seule personne qui savait jouer aux échecs, c'était moi ! J'avais appris à l'hôpital de Camprodon et là j'apprenais à ceux qui voulaient. Tout le monde me gagnait après ! Ca c'était ! ... et là, j'étais content. Parce que j'ai dit : « je suis bon professeur ! Je forme bien !...
Là, ils m'ont amené au camp de concentration du Vernet d'Ariège. Pourquoi, je ne sais pas. Peut-être je ne saurai jamais.
On m'a emmené là avec une quinzaine de camarades. Les gendarmes ils nous respectaient parce que tous ceux qui étaient au camp du Vernet avaient la réputation d'être de fortes têtes, prêtes à faire n'importe quoi...
Là, on a passé un peu de temps. Il y avait rien que des baraques en bois. Il y avait des gens qui dormaient couchés à ras de terre.Dans la nôtre, il y avait 3 ou 4 trucs pour dormir les uns sur les autres. On dormait à plusieurs sur la même couche. On essayait de se regrouper entre amis. Il y avait d'abord ceux qui dormaient par terre puis, au-dessus, deux ou trois étagères qui servaient de couches...
Le gros problème, c'était les poux. On en était farci. Tout le temps que j'ai passé, on m'a rasé les cheveux. Tous les jours. Ya des gens qui me disent : «  Toi à prêt de 85 ans, tu gardes encore tous tes cheveux » ; Je dis : « Non ! Peut-être que ça m'a servi de me raser les cheveux tous les jours,,, ça m'a fortifié les racines ».
Je me souviens d'une chose : devant le camp du Vernet, sur la route devant, quand il a passé le Tour de France, en tête, il y avait René Vietto, un coureur cycliste français, et quand il est passé devant le camp de concentration, il nous a salué comme ça avec le poing en l'air... en 1939... lui, il était en tête, peut-être c'était exprès parce qu'il a dit aux autres : « le camp des Espagnols, il est là »... enfin, quand il est passé devant le camp, il a levé le poing ! Ca, c'est un truc que je me rappellerai toujours... »

pages 80 à 83 , « Mémoire de Républicains espagnols- Des croisements d'histoires » Editions n&b, 2006 –
 


Témoignage de José Bilbé =

«  On était traité comme des bêtes, Il n'y avait aucun respect... Ils se foutaient de nous, encore !... Ils se marraient de nous parce qu'on avait perdu la bataille.Mais, on disait :
- En perdant on gagnera autre chose ! Plus tard, la victoire sera à nous parce qu'on a été les victimes !
C'est vrai que là-dedans, on n'était pas tout à fait humain. On était plutôt comme des bêtes : il arrivait un camion qui nous portait du pain. Pour s'amuser, le soldat, il jetait un pain dans un groupe et on se jetait sur le pain comme des fauves ... des fois, le camion passait sur un pied, un bras... alors ça, j'appelle : traiter comme des bêtes parce qu'ils savaient qu'on était affamé. Il nous jetait un pain comme ça l'amusait ! C'était du sadisme !
Pareil : ce qui était dur, c'est si tu voulais t'amuser. Des fois, on s'amusait ; prendre une couverture à quatre, un dedans – c'est solide une couverture – et tu tirais, d'un coup ! De faire ça tu étais puni ; tu allais à l' » hippodrome ».
L'hippodrome ?... Vous savez pas ce qu'est l'hippodrome ?... Il savaient fait un rond, fermé avec des barbelés et tu y étais une heure à tourner dedans. Parce que si tu t'arrêtais, t'avais le fouet ! Des fois, t'y restais plusieurs jours, jour et nuit, avec juste du pain sec et de l'eau, Alors, t »as rien d'autre à faire que de tourner.
Je crois que ça, c'était pas humain. Pour un pays civilisé comme la France, c'était pas humain. Je sais pas moi, où on trouve ça, où on peut faire des trucs comme ça ?
C'est sûr, en Espagne, ils ont fait des atrocités avec les hommes et les femmes. Les femmes, les cheveux coupés à ras. Ca, je le savais parce qu'il y en avait toujours quoi passaient la frontière qui nous racontait ce qui se passait. Mais là, en France ! ( p,. 78)
[ ... ]
Argelés, Saint-Cyprien, Barcarès et Agde, 9 mois en tout. On changeait à peu près tous les deux mois. On nous changeait parce qu'on organisait des sortes de grève, des soulèvements. C'est-à-dire on manifestait, on était maltraité, on était mal nourri. On a même fait la grève de la faim : on crevait de faim et on a fait la grève de la faim ! Pour que le gouvernement sache que ces hommes étaient dans des conditions inhumaines. On a manifesté pendant une semaine sans manger. Mais il y en avait la nuit qui avaient caché du pain et, la nuit, tu entendais RAC RAC RAC !... Manger le pain sec...
- Mais ! ?... Il y a des rats là-dedans ! …
Y avait des choses dures : avoir faim et ils passaient avec les chaudrons de la soupe. Et on se refusait à en prendre parce que gare si tu prenais ! Il y avait des représailles, entre nous ! On avait conclu qu'on ferait grève tant qu'il n'y aurait pas de meilleur... donc, il fallait tenir parole pour démontrer.
Eh ben, on a pu passer comme ça jusqu'à ce qu'ils oint porté de la bonne soupe, de la meilleure soupe !
Ils nous donnaient des lentilles, des haricots vieux qui sont plein de ?... Comme des vers !... Des charançons... Oui, c'est ça !... des... Ces bêtes, elles sont dans les lentilles, les haricots, Vieux bien sûr. A près, ça c'est amélioré. » 

Et page 88 de « Mémoire de Républicains espagnols- Des croisements d'histoires » Editions n&b, 2006
 

Rafael Gomez, futur membre de La Nueve ( de la 2ème D,B. de Leclerc)

«... Moi, on m'a emmené au camp de St-Cyprien. Les 4 premières semaines ont été un véritable calvaire. On allait pieds nus, on buvait de l'eau sale et savonneuse qui venait de l'endroit même où on se lavait ; quand on buvait, nos bouches faisaient des bulles... On nous donnait très peu de nourriture : un pain pour dix personnes, et, de temps en temps, des patates avec un peu de viande et des os bouillis.
On s'est rempli tout de suite de poux. C'était une vraie souffrance. On allait tous les jours à la plage pour s'épouiller. Et ils étaient toujours là !... La nuit on creusait un trou dans le sable pour se coucher, et on se recouvrait d'une couverture.
Au bout de quelques semaines, on a commencé à construire nous-mêmes les baraquements ; pour ce travail, on nous donnait un morceau de pain et une sardine. Dormir dans les baraques n'a pas amélioré nos vies. Peu à peu, on s'est organisés, mais avec très peu d'espoir. On était gardé par des Sénégalais qui nous traitaient très mal ; et s'ils te voyaient tenter de sortir du camp, ils te crucifiaient à coup de crosses !
Chaque semaine, les gendarmes venaient demander des hommes pour la Légion. Beaucoup y allaient, d'autres non. Moi, je n'ai pas voulu aller à la Légion. Je suis resté pour attendre mon père.
Comme j'avais de la famille à Oran, j'ai écrit à un oncle, depuis le camp, et j'ai reçu très vite l'adresse de mon père qui se trouvait à Argelès-sur-Mer. Peu après, celui-ci réussissait à sortir de là et venir dans le camp où je me trouvais.
On a pu, comme ça' rester ensemble quelque temps. Il a réussi à sortir peu après, réclamé par son frère ; mais moi, comme je n'y avais pas droit en tant que neveu, je n'ai pas pu sortir. A la fin, on a fait de faux-papiers et j'ai pu sortir, en tant que frère de mon père... Peu après, j'ai pris un bateau et j'ai pu arriver à Oran... »

Dans « La Nueve, 24 août 1944... » Evelyn Mesquida – Cherche Midi, 2011 ( page196 ), entretien hiver 2006



De Roc d'Almenara ( sur la dysenterie aigüe ) =

«  L'eau saumâtre des pompes commençait à produire des effets. De nombreux internés traversaient l'enceinte au prix de déchirures dans leurs vêtements et ils s'éloignaient un peu pour soulager leurs intestins malades. Ils furent bientôt si nombreux dans cette situation qu'on ne pouvait plus marcher sans souiller ses chaussures, et on commençait à sentir partout la mauvaise odeur. »

Roc d'Almenara «  Diari d'un refugiat català », cité in Camp du mépris, des chemins de l'exil à ceux de la résistance » - René Grando , Jacques Queralt, Xavier Fabrés – Trabucaïre, 1991 – p 115



Témoignage de Juan Carrasco, sur «  la mierda » =

«  Quand ça nous prenait, il fallait courir jusqu'à la plage. On criait : « A la playa ! A la playa ! » et tout le monde comprenait de quoi il s'agissait. Parfois, la crise de diarrhée était si violente que les gens se chiaient littéralement dessus, comme des gosses.
La fosse d'aisance était un grand trou carré au bord de l'eau. Autour nous étions serrés à nous toucher, tous mélangés, hommes, femmes, enfants, des centaines en même temps . Un avion de la « Fox Movitone » est même venu nous filmer à plusieurs reprises dans cette position ... »

« Camp du mépris, des chemins de l'exil à ceux de la résistance » - R, Grando , J, Queralt, X, Fabrés – Trabucaïre, 1991 – p . 115 / 116



Et Agusti Bartra, présente une adaptation scatologique d'une célèbre chanson républicaine =

Si me quiere escribir
ya sabes mi paradero
en el campo de Argelès
Primera linea de mierda...

In son livre « Crist de 200 000 braços » , extrait repris page 116 du livre « Camp du mépris, des chemins de l'exil à ceux de la résistance » - R, Grando , J, Queralt, X, Fabrés – Trabucaïre, 1991

Voila ce qu'écrit Jean Olivo ( camp d'Argelès ) =

«  Harcelé par les projections de sable, plié sous les rafales, j'ai parcouru le camp sur toute sa longueur . La mer, d'un côté, le marécage de l'autre, cet espace est démesuré, hors des pensées humaines.
A la limite du plus grand flot derrière une dune j'ai aperçu une couverture étendue, en partie ensablée, retenue au sol par des pierres. Au passage, chaque bourrasque soulevait et faisait battre un de ses pans. Intrigué, je me suis approché. La guenille couvrait une fosse et, posée sur des branchages, formait un toit, Il m'a été facile de soulever un coin de ce précaire abri.
Au fond, côte à côte, deux formes recroquevillées, Un visage hirsute, exsangue, figé, paupières closes et violacées donnait l'impression d'un masque de cire. A côté un autre visage plus atroce encore, Des yeux immenses, exorbités, reflétant une incommensurable terreur me fixaient, insupportables.
La vision de deux spectres ! Une hallucination cauchemardesque : un cadavre tenant compagnie à un mort vivant, paraissant le retenir, agrippé dans un spasme . »


(Jean Olivo « Parcours (Paco, Espagne 1936-1939) »- Edition du Castillet, 1972, page 206 + repris en pages 80, 81 du « Camp du mépris, des chemins de l'exil à ceux de la résistance » - R, Grando , J, Queralt, X, Fabrés – Trabucaïre, 1991 – p 80 / 81)



Joan Mestres, qui passa par le camp d'Argeles avant de connaître Mauthausen=

« En France, le premier mot que nous avons entendu fut : « Allez-hop ! » et après, un coup de pied au cul. Ils nous ont emmenés au camp d'Argelès et ne nous ont donné ni eau ni nourriture pendant dix jours. Nous buvions l'eau de mer et beaucoup mouraient de dysenterie. Un camion venait de temps en temps et nous lançait du pain comme si nous étions des animaux. Nous échangions nos montres et nos alliances contre de la nourriture, Beaucoup de réfugiés sont morts, il y a eu une épidémie au cours du mois de mars et les fièvres ont emporté beaucoup d'enfants. Au bout d'un certain temps, l'intendance a été organisée et on a fait appel à moi pour y travailler. Nous avons essayé de doubler les rations, mais nous avons été découverts. L'armée est arrivée un jour, on nous a fait lever de bonne heure et on nous a fait retourner au camp à coups de pied au cul. Alors ils se sont occupés eux-mêmes de l'intendance. Après, j'ai atterri à Agde, le « camp des catalans ». C'était mieux , nous n'étions plus sur le sable et nous pouvions dormir sur des planches avec des couvertures. Les Français le présentaient comme un camp modèle et les gens des environs y venaient même pour disputer des matchs de rugby et de football. On nous a demandé de partir dans les Compagnies de Travail, mais nous avons refusé. Nous nous sommes mis en grève, notre chef était Trueba. Ils nous ont envoyé la police pour nous punir et nous ont imposé une discipline de fer, Au bout d'un mois, ils m'ont renvoyé à Argelès. J'ai tellement été déçu en revoyant ce camp que j'ai voulu me suicider. »

( Monserrat Roig, « Els catalans als camps nazis » , Ed 62, Barcelona, 1977 –– châp . II. Presoners a França, )



José Ribelles raconte =

«  A Argelès-sur-Mer, on dormait à même le sable. Avec deux bambous comme ça et une couverture... comme une tente. Quand on en avait marre de dormir sur un côté on se tournait tous en même temps de l'autre côté. Porque il n'y avait pas de place.
Quand ils distribuaient à manger, je tenais encore pas bien debout, alors je restais garder les affaires. Les personnes fortes allaient chercher le pain. Comme ça jusqu'au mois de mai y despues Bram, le camp de Bram : des baraquements bien faits et tout ça. En bois y chaque dos metros, dos personas. A chacun, une poignée de paille... un peu de paille sur la terre, ça servait de couche. A Bram, le manger, ça allait bien. C'était mieux qu'à Argelès. Tambien ; on pouvait faire de la gymnastique.
A Argelès, je me souviens, les gendarmes, nosotros on était jeune, quand on est jeune on ne pense qu'à s'amuser ; on faisait un trou dans le sable. On leur faisait croire qu'on enterrait quelque chose. Et, aussitôt, les gendarmes, ils arrivaient avec une petite pelle pour voir s'il y avait de l'or... »

dans « Mémoire de Républicains espagnols- Des croisements d'histoires » Editions n&b, 2006 – page 80


Ce que dit le Docteur Pujol du camp de concentration de St-Cyprien =

«  Je me trouvais à l'hôpital du camp de St-Cyprien.Un épidémie de paludisme s'y était déclarée. Nous autres, les médecins républicains, avons présenté un rapport où nous demandions aux autorités sanitaires du camp de déclarer St-Cyprien zone paludéenne. Le ministère de la santé français refusa de reconnaître que c'était une épidémie et que St Cyprien était une zone paludéenne. Le docteur Serra et moi-même, nous nous sommes mis à pourchasser le moustique anophèle qui provoquait l'épidémie. Après de nombreuses recherches et après avoir parcouru pendant très longtemps les flaques d'eau stagnante qui entouraient le camp, nous avons trouvés plusieurs moustiques anophèles et nous les avons portés aux autorités sanitaires du camp. Elles ont fini par se rendre à l'évidence et par déclarer St-Cyprien zone paludéenne. » 
( in Monserrat Roig, « Els catalans als camps nazis » , Ed 62, Barcelona, 1977 – page 38-51 – châp . II. Presoners a França, + repris aussi en pages 80, 81 du « Camp du mépris, des chemins de l'exil à ceux de la résistance » - R, Grando , J, Queralt, X, Fabrés – Trabucaïre, 1991 – p 80 / 81)


(A St Cyprien et Argelès ) vu par Dolors Gener, future déportée en camp nazi =

« Ils nous ont tous rassemblés, femmes et enfants qui étions dispersés dans les refuges du sud de la France, et ils nous ont conduits à la gare de Bordeaux.Là nous avons compris qu'ils voulaient nous renvoyer en Espagne et nous nous sommes tous mis à crier : « En Espagne, non ! En Espagne, non ! » dans le vacarme de nos cris et des pleurs des petits ! Nous faisions tellement de bruit que les Français nous regardaient, effrayés.
Ils nous ont demandé lesquelles d'entre nous avaient leur mari à Argelès ou St Cyprien et ils nous ont mises dans un coin, Ils ont fait remonter les autres dans le train et, de là, les ont emmenées vers Gurs, puis vers l'Espagne. Nous n'avons plus rien su de ces femmes. Je sais seulement que l'une de mes camarades qu'ils avaient fait rentrer a passé au moins 17 ans en prison.
Cela se passait vers le mois de septembre 1939, quand la France et l'Angleterre ont déclaré la guerre à l'Allemagne. J'étais au camp de St Cyprien. Nous dormions sur le sable et, la nuit, il commençait à faire très froid. Les enfants tombaient comme des mouches, même ceux qui avaient 6 ou 7 ans et qui paraissaient plus forts. Toutes les nuits, nous entendions leurs pleurs. C'est dans ce camp que ma petite est morte, elle avait 3 mois. Et moi, je n'ai rien pu faire. Elle est morte dans mes bras, elle était maigre comme un clou, je suppose que c'était de faim et de froid.
Il y a eu une inondation dans le camp, l'eau nous arrivait jusqu'au cou et les épidémies se propageaient à mesure que l'eau montait. Il nous ont envoyé alors à Argelès qui était divisé en 3 camps. Dans le premier, il y avait de nombreuses familles ; le second n'était pas encore fini, il n'y avait que les fils de fer barbelés et ils ont mis les hommes dans le troisième. Nous étions dans le deuxième camp et nous essayions de communiquer avec les hommes du troisième camp en criant très fort . Lorsque ma fille est morte, mon mari s'est engagé dans l'armée française, parce qu'il croyait pouvoir ainsi me faire sortir du camp Il a avancé vers le Nord et a participé à la bataille de Narvik. Mais il en a eu marre parce qu'il n'avait pas réussi à me faire libérer, Il les a envoyés au diable et il est parti pour la Suède.
A Argelès, au début il y avait les sénégalais qui traitaient nos maris à coups de pied et à coups de fouet. Mais ils ont été vite remplacés par les gardes mobiles, parce qu'ils devaient trouver que les sénégalais étaient trop mous. J'ai vu comment ils tuaient l'un des nôtres sous les ruades des chevaux. »

( Monserrat Roig, « Els catalans als camps nazis » , Ed 62, Barcelona, 1977 – page 38-51 – châp . II. Presoners a França, )


Argeles, témoignage de Michel Oliva =

«  Le camp d'Argelès ?... Des baraques en bois, en tôle. On avait fait ça à coup de poings, n'importe comment, avec de la paille, je sais pas comment ils avaient fait ça ... Quand le vent soufflait, ça tapait de partout. Quand il pleuvait, l'eau passait dessous, dessous les planches,.Alors les nuits, c'était épouvantable quand il y avait l'orage et ça arrivait souvent !...
Le matin, quand tu te levais, tu sortais, tu te retournais :
Oh Un mer magnifique !...
On y voyait des bateaux rentrer...
Et puis, on tournait la tête :
On voyait cette misère-là !...
Je vais vous raconter une histoire. Ca va vous faire drôle :
On nous avait séparé dans le camp. D'un côté, on avait mis les hommes. De l'autre les femmes et les enfants. Entre : des fils de fer barbelés mélangés, 1,50 m de large et des Sénégalais prêts à tirer... Y avait aussi, j'avais oublié le camp n° 9 qui était séparé des autres camps. Le camp n° 9, c'était les malades, les vieux. Je ne veux pas être mauvaise langue : y avait pas de quoi soigner ! Alors, des morts... il y en a eu beaucoup de morts...
Bref, on nous avait séparé de notre père quoi. Mon frère qui avait 4 ans, il est tombé malade. Très gravement malade.
Il allait mourir.
Mon père a demandé à venir le voir. Et moi, j'avais 9 ans, Je vivais à même le sable. J'ai vu mon père arriver... encadré par les gendarmes.
Les gendarmes !
Pour qu'il vienne voir son fils !
Horrible !!! »
page 79 « Mémoire de Républicains espagnols- Des croisements d'histoires » Editions n&b, 2006 –



Antoine de la Fuente, 85 ans, enfant réfugié espagnol,

Ce fils de carabinier raconte raconte ses vingt mois au camp de Rivesaltes pour le journal LA DEPECHE du Midi. De mars 41 à novembre 1942 . Il avait onze ans. Il y est arrivé avec ses quatre frères et sœur, sa mère et sa grand-mère. 

« On vivait dans la vermine. Le pire c'était les punaises. On était obligé de se couvrir la tête pour dormir. Elles rentraient par les oreilles, par le nez. Il n'y avait pas d'eau ni d'électricité. Juste un tuyau percé sur une citerne montée sur roues. Avec ce petit filet d'eau, on devait se laver, faire la lessive et stocker l'eau nécessaire pour la journée. Mais on n'avait même pas de récipient pour ça  [… ] On ne dormait pas dans des lits mais dans des cages en bois qui servaient à la fois de sommier et de matelas avec un peu de paille. Les plus chanceux avaient une couverture [. ...] Je ne suis pas animé par un esprit de revanche mais par une volonté de mémoire »,

dit-il au journaliste de la Dépêche du 16/10/2015



Témoignage de l'aragonais Mariano Constante  (un militaire) :

Dans son livre autobiographique « Les années Rouges »  (Mercure de France – 1971) il raconte sa jeunesse sous la République, la Guerre au sein de la fameuse 43éme Division (dans la Bolsa de Bielsa), son premier passage en France, son retour au combat, en Catalogne, puis la Retirada et les camps de concentration français, les CTE dans l'Est et enfin son expérience de déporté à Mauthausen et ses responsabilités au sein de la Résistance dans le camp nazi. Page 137 / 138 / 139 . .. Et il ironise parfois, « par gentillesse » ...

«...  Un groupe important d'officiers du 10ème corps fut envoyé vers Septfonds. Nous étions quatre à cinq cents officiers et commissaires et sous-officiers ; parmi eux, une majorité du 10ème corps d'armée et de nombreux membres de ma Division, Je retrouvai mes camarades et naturellement mon capitaine [ … ] Par gentillesse les autorités françaises nous avaient mis des wagons de 3ème classe au lieu de wagons de chevaux.
Abattu par notre défaite, le travail ; le froid ; les visions dans le hall de la Tour de Carol, j'étais malade au départ. Cela ne fit que s'aggraver, A Caussade, on fit arrêter le train en dehors de l'agglomération, Nous descendîmes pour faire à pied le chemin jusqu'au camp de Septfonds. Une nouvelle surprise nous attendait : un régiment de Sénégalais entourait le train et devait nous escorter, Armés d'un fusil et d'un coupe-gorge ou d'une machette, ils nous poussaient sans ménagement, commandés par de jeunes officiers français, Terrassé par la fièvre, je tenais à peine debout, Mes affaires furent prises par mes camarades, Comme je n'avançais pas assez vite, un Sénégalais vint me pousser avec la crosse de son fusil, Ce fut comme un éclair, le capitaine Pastor avait laissé tomber ses baluchons, et d'un coup de poing terrible expédia le Sénégalais par terre, sans connaissance, Les autres Sénégalais se mirent à hurler, et leur officier vint en courant, blême de peur, Pastor, qui parlait français , lui dit :
  • Faites nous traiter en êtres humains que nous sommes, Nous sommes habitués à nous battre et nous permettrons pas qu'on nous maltraite,
La colonne se remit en marche sans autre incident, toujours escortée par les Sénégalais.
Arrivés à proximité de ce qui devait être , plus tard, le camp de Septfonds – aucune baraque n'était encore construite – nous fumes parqués dans un périmètre entouré de fils de fer barbelés. Cet emplacement fut appelé camp de Judas, Pas une construction, pas un arbre : un terrain nu, Nous n'avions que nos tentes ou nos couvertures pour nous protéger du froid, Pour nos besoins, une tranchée . Combien étions-nous ? 14 000 ? 20 000 ? Je n'en sais rien, nous ne pouvions faire un pas. Mes amis montèrent ma tente et je fus allongé par terre, enveloppé avec ma couverture, Un médecin diagnostiqua une broncho-pneumonie, Malgré tous les efforts de Segundo, de Pastor, aucun médecin français ne vint me voir, Pas un seul médicament, Pour comble de malheur, le lendemain il se mit à pleuvoir ; l'eau entrait sous la tente, me mouillant jusqu'aux os, Sous l'effet de la fièvre, je perdis connaissance ; durant une semaine, je restai entre la vie et la mort, sans aucun soin, Mes amis réussirent à me faire donner du lait concentré par les Français ; avec de l'aspirine et de la chance , je réussis à rendre le dessus [ …] C'est ainsi qu'une dizaine de jours après mon arrivée, nous rentrions au camp, entassés dans une des premières baraques construite, Les baraques étaient en planches vite montées et n'étaient fermées que d'un seul côté ; quand la pluie tombait du côté Nord,l'eau pénétrait à l'intérieur. Nous étions peut-être un millier par baraque, A mesure que nous arrivions, nous devions aider à la construction des baraques suivantes . Grâce au dévouement et à l'aide des camarades je repris peu à peu mes forces. Vers la fin mars quand le camp fut presque entièrement monté, je me trouvais déjà en forme, capable d'affronter notre nouvelle situation, Les allées du camp étaient de véritables bourbiers, en raison de la pluie ; une demi-douzaine de robinets fournissait l'eau potable pendant une heure par jour ; un petit ruisseau coulait sur un côté du camp ; et il fallait attendre des heures pour se laver dans une eau dégoûtante, savon et crasse. Nourriture ? Un morceau de pain par jour, du riz cuit à l'eau, de très rares petits bouts de viande, sans sel, Il fallait vraiment être habitué pour supporter une telle existence... »


CROISER DES TEMOIGNAGES POUR EN VERIFIER L' AUTHENTICITE


OU ENCORE et en castillan , pour changer = 1939 Argelés-sur-Mer :

FEDERICA MONTSENY, relataba :

Un artículo de la ex ministra de la Cultura española en el exilio,

Durante tres días, en el campo de Argelés se amontonó a millares de personas sin absolutamente ningún alimento. Las defecaciones, que se contaban a millares, debían hacerse en el mismo reducto donde se comía y se dormía. A los tres días, llegó una furgoneta militar llena de pan. Descargaron el pan, y un gendarme, subido sobre una silla, lo iba tirando a la multitud hambrienta. Después perfeccionaron el procedimiento, llegaban guardias a caballo y lo repartían tirándolo desde lo alto de las bestias, divirtiéndose mucho del espectáculo que ofrecían los hombres disputándose como perros un pedazo de pan… Frío, hambre, la lluvia que no cesaba de caer. Se dormía bajo las estrellas durante febrero y marzo. El agua la extraían con bombas del mar, filtrada por la arena. Epidemia de disentería. Se arrojaban las entrañas. Las defecaciones se filtraban bajo la arena, infectando las aguas que luego bebían. Sarna, piojos. La guerra y la caza al piojo. Escorbuto. 25 a 30 muertos diarios. Los heridos en Argelés… Un buen día llegó la caballería de los colonizados a desalojar a los refugiados. Lanzaron los caballos encima y a golpes de sable hicieron incluso correr a los heridos. Muchos caían por el suelo perdiendo las muletas. Los caballos pasaban por encima suyo, sin que aquellos hombres de mentalidad salvaje y primitiva, tuviesen piedad de sus gritos de dolor y del espectáculo dantesco”. Unas semanas después, los refugiados empezaron a criar forúnculos y pupas como consecuencia de la pésima alimentación y las condiciones de vida. Los comían los piojos y las chinches en medio de aquel lodazal. La ración de agua era de un cuarto de litro por cabeza y día, 3.000 litros de agua pestilente para 16.000 personas. Eso es lo que regalaba el Gobierno. Fueron tratados muy mal. Cientos de miles de los nuestros, famélicos y andrajosos, vivieron una doble derrota. . Proseguía el artículo: “Hasta mayo los tuvieron sobre el fango y en las playas heladas. En la primera oleada de la muerte cayeron unos 35.000 españoles; 150.00 volvieron a España. Los guardianes no los perdían de vista. Uno voló por los aires por el efecto de una granada: Había matado a tiros a uno de los nuestros.


Marzo 1939– El famoso fotógrafo ROBERT CAPA

Capa visitó el enorme campo en la playa de Argelés, donde se encontraban en ese momento encerrados más de 80.000 republicanos españoles. La descripción que hizo del mismo fue:

Un infierno sobre la arena; los hombres allí sobreviven bajo tiendas de fortuna y chozas de paja, que ofrecen una miserable protección contra la arena y el viento. Para coronar todo ello, no hay agua potable, sino el agua salobre extraída de agujeros cavados en la arena”.


Et présenté pages 56 à 60, dans « Les espagnols en France » par B, Vargas et D, Debord - Editions de l'attribut – 2010

 Habla el refugiado madrileño, Mariano Marcos =

... Llegamos a Montauban en tren, en plena noche, y un autobús nos llevó al campo de Septfonds. Era el 1 de abril de 1939 y lo que todavía ignoraba era que me quedaría hasta el 12 de diciembre.
Integré rápidamente le equipo de locutores del campo. Éramos cuatro: Gallo, un gran dibujante de La Vanguardia, Menéndez, un maestro de escuela tan simpático como sonriente, un catalán con unas grandes gafas de carey y yo. Formábamos un equipo formidable. Todo visitante que franqueaba el portal que separaba los “concentradores” de los “concentrados” se dirigía de entrada a nuestra caseta que simbolizaba para todos el ombligo del campo. Nosotros éramos los encargados de acogerlos y de llamar por el micrófono a la persona que deseaban ver. Nuestra vida de “speakers” nos permitía combatir la peor de las calamidades de un “concentrado”: ¡la inactividad! Nos relevábamos al micro y estábamos en tan buena sintonía que nos remplazábamos en el más perfecto desorden sin problema. A menudo éramos dos al mismo tiempo en el puesto, tal y como se muestra en el dibujo dónde Gallo me representó en primer plano con el micro en la mano, y él apartado hacia atrás, como queriendo vigilar mis actos. Me gustan mucho todos los dibujos de Gallo, pero debo confesar que cuando miro éste se me encoge el corazón.
Por la noche, las ratas se entregaban a carreras nocturnas en nuestra home. Lo más fastidioso de estos bichos, era que no respetaban ni la más mínima regla de cortesía y se permitían pasarnos por encima y hacernos cosquillas en la cara.

Mis tres compañeros se envolvían el cuerpo entero bajo la manta, incluida la cabeza, protegiéndose así de cualquier contacto de las ratas con la cara. En cuanto a mí, yo era incapaz. ¡La muerte por asfixia habría sido súbita! Me hizo falta amañar un tubo en forma de chimenea dónde me cupiese la boca y la nariz juntas, para que pudiese respirar, dejando el resto de la cara y de la cabeza bien escondidas debajo de la manta. Utilicé la tela elástica de la manga de una vieja camisa. La parte más ancha me servía de capucha y la “manga de aire” estaba enganchada con un cordel al armazón superior de la cama, dónde dormía Gallo. Él me dibujó con la capucha levantada, pero yo dormía debajo de ella. El comandante del campo, que se temía una epidemia de tifus, decidió otorgar una prima de 25 céntimos a todos aquellos refugiados que llevasen una rata muerta al micro. Para evitar el hacinamiento de cadáveres de ratas en nuestro reducto, les cortábamos la cola y le devolvíamos “el objeto” al interesado. Ni que decir tiene que para la prima, la rata debía tener su cola. ... » in p. 58-59, « Les espagnols en France . 

Une vie au-delà des Pyrénées » -Bruno Vargas, Didier Debord – Editions de l'attribut . (Toulouse, 2010 )

 
Page 3 du rapport du Préfet des PO au ministre de l'Intérieur en date du 6/03/1939 (AD des PO - 31W247) : "Tous les miliciens passant par Cerbère et Banyuls étant dirigés sur le camp d'Argelés. Ceux passant par le Perthus, soit sur Argelès, soit sur St Cyprien. Ceux arrivés par la vallée du Tech sont cantonnés à St Laurens-de-Cerdans et Prats-de-Mollo. En Cerdagne, Bourg-Madame et la Tour-de-Carole voient s'installer des camps pour accueillir l'armée venue de la Cerdagne espagnole"


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en esos tiempos tan antiguos

Aqui, el frio y la "acogida" a Prats de Mollo de esos "robadores" de madera (... contra el frio del invierno)



























en esos tiempos tan antiguos



y en Argeles






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