jeudi 26 janvier 2017

 

 

vieil article :       AU  THEATRE                                                                

 ( paru = aux Editions La Brochure)  

                                                   14 mars 2010

Pris par le temps je n'avais pas mis sur le blog ce texte de Philippe Guillen mais comment de Lorca à Ferrat ne pas faire le lien... J-P Damaggio
Théâtre à Moissac.
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Le crime a lieu à Grenade


Ce Vendredi 12 Février, dans la Halle de Paris à Moissac  se rejouait un drame, celui de l'Espagne qu'on assassine.

    Aout 1936, Grenade souffre, Grenade saigne. Les militaires et falangistes tiennent la ville, et la Poésie est en prison. Dénoncé puis arrêté il y a peu, Fédérico Garcia Lorca va mourir !
Dans un cercle blanc, celui d'une scène qui pourrait tout aussi bien être plaza de toros, un homme, génial compositeur, voudrait se faire entendre d'un autre, le convaincre. Comme tourne un disque sur le vieux gramophone qui s'épuise, comme la robe sang d'une chica désespérée tourbillonne au son du Flamenco, l'artiste et ami du Poète, et l'officier falangiste tournent aussi, mais sans que jamais le premier puisse rattraper le second ni l'arrête. C'est sans espoir! La sensibilité, l'amour des choses et des gens, sont incarnés par Don Manuel de Falla, l'immense compositeur venu sauver son ami Federico. La brutalité, la haine des autres et de la différence, sont portés par le commandant Valdés, le militaire botté jusque sous les bras, bardé de cuir et sanglé de médailles. Il est le bras qui tue pour le plaisir de tuer, l'ignorance qui n'admet que la bêtise et la soumission, qui jalouse l'intelligence et l'assassine. C'est lui le Gouverneur, lui le représentant de Franco dans la ville.
    Jamais le vieux musicien ne pourra rattraper le bourreau, ne le convaincra d'épargner la Poésie, de sauver la beauté... car la mort a déjà frappé. Il est trop tard pour Federico, les balles franquistes l'ont déjà fauché. Et le pervers Valdés, ordonnateur du crime, s'amuse des efforts désespérés de Falla: à Grenade les balles valent plus que les phrases et plus que la vie. Et l'Espagne est là, emportée comme dans une spirale. Elle est dans le vain flamenco de cette jeune danseuse qui ne parviendra pas à attendrir le tueur en uniforme, qui ne pourra pas sauver son frère tout comme Falla n'a pas sauvé Lorca. L'Espagne est là aussi dans le secrétaire du fauve, dans ce jeune soldat Calderon qui par Federico découvrit la poésie et l'amour, qui voudrait pouvoir arrêter le crime mais se résigne à n'être qu'un homme de registres, un "comptable de la mort".
    Bref, un beau texte, puissant, et de bien bons comédiens. Dans un petit bureau rond, des voix qui portent, des visages graves, des gestes efficaces... et sur les gradins, un public emporté, des spectateurs impressionnés, des moissagais effrayés. Monsieur François-Henri Soulié, Mademoiselle et Messieurs les comédiens de la Mandoune, BRAVO !
                                                             Philippe Guillen.

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