vieil article : AU THEATRE
( paru = aux Editions La Brochure)
14 mars 2010
Pris
par le temps je n'avais pas mis sur le blog ce texte de Philippe
Guillen mais comment de Lorca à Ferrat ne pas faire le lien... J-P
Damaggio
Théâtre à Moissac.
Théâtre à Moissac.
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Le crime a lieu à Grenade
Ce
Vendredi 12 Février, dans la Halle de Paris à Moissac se
rejouait un drame, celui de l'Espagne qu'on assassine.
Aout
1936, Grenade souffre, Grenade saigne. Les militaires et falangistes
tiennent la ville, et la Poésie est en prison. Dénoncé puis arrêté
il y a peu, Fédérico Garcia Lorca va mourir !
Dans
un cercle blanc, celui d'une scène qui pourrait tout aussi bien être
plaza de toros, un homme, génial compositeur, voudrait se faire entendre d'un autre, le
convaincre. Comme tourne un disque sur le vieux gramophone qui
s'épuise, comme la robe sang d'une chica désespérée tourbillonne
au son du Flamenco, l'artiste et ami du Poète, et l'officier falangiste
tournent aussi, mais sans que jamais le premier puisse rattraper le
second ni l'arrête. C'est sans espoir! La sensibilité, l'amour des
choses et des gens, sont incarnés par Don Manuel de Falla, l'immense
compositeur venu sauver son ami Federico. La brutalité, la haine des
autres et de la différence, sont portés par le commandant Valdés,
le militaire botté jusque sous les bras, bardé de cuir et sanglé
de médailles. Il est le bras qui tue pour le plaisir de tuer,
l'ignorance qui n'admet que la bêtise et la soumission, qui jalouse
l'intelligence et l'assassine. C'est lui le Gouverneur, lui le
représentant de Franco dans la ville.
Jamais
le vieux musicien ne pourra rattraper le bourreau, ne le convaincra
d'épargner la Poésie, de sauver la beauté... car la mort a déjà
frappé. Il est trop tard pour Federico, les balles franquistes l'ont
déjà fauché. Et le pervers Valdés, ordonnateur du crime, s'amuse
des efforts désespérés de Falla: à Grenade les balles valent plus
que les phrases et plus que la vie. Et l'Espagne est là,
emportée comme dans une spirale. Elle est dans le vain flamenco
de cette jeune danseuse qui ne parviendra pas à attendrir le tueur
en uniforme, qui ne pourra pas sauver son frère tout comme Falla n'a pas
sauvé Lorca. L'Espagne est là aussi dans le secrétaire du fauve,
dans ce jeune soldat Calderon qui par Federico découvrit la
poésie et l'amour, qui voudrait pouvoir arrêter le crime mais se
résigne à n'être qu'un homme de registres, un "comptable de
la mort".
Bref,
un beau texte, puissant, et de bien bons comédiens. Dans un petit
bureau rond, des voix qui portent, des visages graves, des gestes
efficaces... et sur les gradins, un public emporté, des spectateurs
impressionnés, des moissagais effrayés. Monsieur François-Henri
Soulié, Mademoiselle et Messieurs les comédiens de la Mandoune,
BRAVO !
Philippe
Guillen.
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