dimanche 12 avril 2020

CE QUE JE PENSE D'UNE CERTAINE HISTOIRE ET DU RECIT NATIONAL



Ce que je pense de certaines lacunes (tout le monde s'en cogne, mais permettez-moi, c'est mon Blog tout de même !) 



2020, Paris : Statue-hommage, enfin, de Mulâtresse Solitude (ainsi s'est elle-renommée elle-même).


L 'histoire officielle et beaucoup de manuels scolaires entretiennent une tradition historiographique née sous la IIIème République qui passe sous silence tout ce qui fragiliserait le mythe sacro-saint d'une France généreuse et homogène, ethniquement comme socialement.

Cela arrange les pouvoirs, d'édulcorer pour mieux stigmatiser, manipuler, diviser. Heureusement, face aux programmes, aux éditeurs de manuels, au peu d'heures annuelles et hebdomadaires dévolues à l'Histoire, il reste encore au professeur devant sa classe des bribes de ce que l'on nomme "la liberté pédagogique",  un acquis des luttes des enseignants, mais toujours menacé par les pouvoirs et les adeptes de la pensée unique. C'est grâce à cette liberté pédagogique que l'on consacre parfois plus d'une ligne ou que l'on aborde vraiment quelques sujets qui fâchent -fâchent ceux qui sont aux manettes et font de"l'école de la Reproduction sociale" leur alpha et leur oméga. Hélas, ce travail sérieux là est lié aux connaissances et à la conscience professionnelle d'un enseignant, ce n'est donc pas dans toutes les classes, pas dans tous les établissements scolaires. Sinon ...


Dans le "Récit national" ainsi fabriqué, il n'y a pas de place pour les femmes, pour les ouvriers, ni pour les étrangers, tels ces "indésirables" du XXème siècle (1939-45) européens ou d'ailleurs dont on ne parle pas, ni pour "l'accueil" qu'on leur fit (en camps de concentration pour réfugiés de la Guerre d'Espagne...), ni pour l'aide pourtant qu'ils apportèrent (dans la Résistance et la Libération, tels ces Marcel/Mendel Langer, Ariane Scriabine Fiksman-Sarah, Francesc Ponzan Vidal, José Baron Carreño, ou ceux de la Nueve, et dans la Reconstruction ensuite..) et qu'ils apportent encore, et tous les jours. 


Tiens, pour les mêmes raisons -le mythe de la France généreuse et homogène- et de la même façon, si les manuels évoquent l'abolition (1848, plus que 1794), le commerce triangulaire, la traite (père du capitalisme) et l'esclavage sont rapidement traités. D'ailleurs, si l'abolition est bien mentionnée c'est qu'elle est présentée surtout comme l'acte bienveillant de la République, l'action de français d'Europe, de blancs, et non comme étant le fruit d'un mouvement de libération des esclaves par eux-mêmes. Dans les livres d'histoire officielle, sur les panneaux indicateurs de places et de rues, des entrées de Lycées, les noms des abolitionnistes, des combattantes et combattants, sont toujours moins cités que ceux des blancs:  Toussaint Louverture (mort en prison dans le Jura, loin de ses Caraïbes, en 1803)  est moins présent que Victor Schoelcher (mort dans son lit, en 1893), et sans parler des noms de ces esclaves rebelles, François Makandal (brûlé vif en 1758), Jacques Maurepas (mort noyé tout juste après que ses enfants et son épouse l'aient été aussi, et devant ses yeux, en 1802), Jean-Jacques Dessalines (assassiné en 1806) ou celui de la nègre-marron, Mulâtresse-Solitude (pendue en 1802, le lendemain de son accouchement, à 30 ans)


Permettez-moi ces 2 autres petits rappels, exemples de pillage colonial ou d'ignoble acte répressif... et à l'encontre de la classe ouvrière et de ces"petites gens" dont se moque le bourgeois.

1/ 2009, et donc 70 ans après: le maire d'Arles, Hervé Schiavetti -du PCF- rend enfin hommage, le 1er "officiel", à ces 20 000 indochinois qui furent réquisitionnés-déportés en 1939 par la France de la IIIème République (et pas encore Vichyste) depuis chez eux vers chez nous pour soutenir notre effort de guerre. La règle était que chaque famille comptant au moins 2 hommes entre 18 et 45 ans, en offrit un à la France, pour ses usines d'armement. Sinon, c'était la prison pour le père. L'armistice Hitler-Pétain de 1940 elle-même n'interrompt pas cette réquistion: 14 000 des indochinois forcés furent retenus pour travailler pour une misère (le dixième du salaire d'un ouvrier français) dans l'agriculture, les usines textiles... et jusqu'à la Libération (sauf pour 1000 restés ici, et dont on oublia bien sûr d'évoquer l'histoire)...

2/ Décembre 2014, enfin! Là encore ce n'est que 70 ans après les faits ! Lors d'une visite au Sénégal (à Thiaroye) que le Président Hollande admet que l'armée française a tiré sur les tirailleurs sénégalais qui réclamaient juste leur pension (et à la fin du mois, il s'engageait à faciliter leur demande de naturalisation française).

Le passé doit être investi, continuellement réinterrogé.

A entendre certains, il n'est jamais le moment de parler de la colonisation, de nos camps de concentration (...): trop tôt, trop tard, pas en période de crise et tensions, patati patata... C'est faux ! Ce sont les mêmes qui répugnent à ce que l'on enquête sur le passé et qui veulent bloquer la recherche, les mêmes qui se font les chantres du "récit-roman" national, du mythe d'une France qui serait généreuse et homogène. Non, on ne souffre pas d'un trop de mémoire mais bien d'un manque d'Histoire, au contraire! Ce "récit-roman national" c'est leur arme de destruction, le canon qui abat l'esprit critique. L'historien -un vrai- ne se préoccupe pas du son d'un canon, il ne travaille pas à figer le passé ou à maintenir certains de ses aspects dans l'obscurité, bien au contraire: il enquête (étymologie du mot) ! Figer le passé ou l'occulter pour lutter contre des peurs de l'avenir est une illusion, pour lutter contre l'esprit de division ou communautaire est un mensonge.

L'HISTOIRE OUVRIERE, L'HISTOIRE COLONIALE et surtout anticoloniale, L'HISTOIRE DES FEMMES et de leur place, qui est majeure, sont portion congrue. Elles gênent !

Pour conclure, reprenons ce que disait Diderot, avant 1789 :

 "Le grief de la Noblesse (contre l'Ecole) se réduit peut-être à dire  qu'un paysan qui sait lire est plus malaisé à opprimer qu'un autre." 


Ou ce que déclarait, fin des années 30, le président de l'Université américaine de Columbia (s'opposant à la diffusion du manuel progressiste de l'historien Harold Rugg):

 "Un prolétariat éduqué est une source constante de désordre et de danger pour toute nation." (cité par Benoit Bréville) 


Ou ce vieux proverbe africain : « Tant que les lions n’auront pas d'historien, les histoires de chasse glorifieront toujours le chasseur. »

Mais c'est ce que j'en pense, moi, et probablement j'exagère ?...


Donc, je n'oublie pas ! N'oublions pas ! (même en dessins) :

 
Je n'oublie ni eux, bien connus, ni Yaa Asantewaa ("Reine Guerrière", 1840-1921)...

Herminia Muñoz (1919, Mataro - 2013, France), jeune républicaine espagnole et héroïne "ariègeoise" de la Résistance. Je ne t'oublie pas Herminia !




2 espagnols dans la Résistance contre le fascisme: L'Affiche rouge, le groupe MOI de Manouchian avec Celestino Alfonso et La Nueve, représentée ici par A.Granell, et Paris, comme 3ème personnage.


Le commandant "Robert", Jose Antonio Alonso Alcala (1919, Asturia, Espagne - 2015, France). Guerillero espagnol héros de la Resistance, un des libérateurs de l'Ariège et Foix
Jose Maria Asin Usieto (1919, Almuniente, Huesca - 1939, 20 ans, Camp de concentration de Septfonds, France) l'un des héros de ma BD, combattant de la Liberté contre Franco et passé par les camps de concentration français où il a laissé sa jeune peau. Honte!.. Ici, la couverture/Portada de mi Comic. Je ne t'oublie pas Jose-Maria !




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