Non-intervention c'est
lâche complicité
il a raison Julio Álvarez del Vayo !
(1891-1975)
La
République espagnole et la Société des Nations
:
Discours
(extrait) du Ministre des Affaires étrangères
du Gouvernement républicain espagnol, Julio Álvarez del Vayo,
au Conseil de la SDN ( le 11
mai 1938)
En
m’adressant de nouveau au Conseil, au sein duquel l’Espagne eut
l’honneur durant tant d’années de contribuer à l’œuvre de la
Société des Nations, qu’il me soit permis de débuter en rejetant
avec la plus grande énergie les interprétations malveillantes de
ceux qui n’ont rien su voir d’autre qu’une volonté
perturbatrice dans cette dernière requête de notre part visant à
ce que la mal nommée question espagnole fût inscrite à l’ordre
du jour. Il est extraordinaire et triste de constater à quel point
le langage des soi-disant défenseurs de l’institution de Genève
se confond
avec celui de ses adversaires. Et il ne l’est pas moins de se dire
que la politique de discrédit, de sabotage et de ruine de la Société
des Nations, paralysée par le succès croissant de Berlin et de Rome
depuis 1935, trouve dans d’autres capitales les plus
irresponsables, ou si l’on veut, les plus responsables et les plus
ardents collaborateurs [...].
Est-ce
que le fait de comparaître devant le Conseil en exposant une
situation si pleine de périls pour la majorité des pays qui font
partie de la S. des N.,ainsi que pour nous-mêmes, constitue une
œuvre de perturbation? Agit-il comme un perturbateur celui qui au
sein de la S. des N. réclame le respect de la loi essentielle de nos
institutions? Que doit attendre un État membre à qui, en plus de
lui nier l’assistance à laquelle il aurait droit en accord avec le
Pacte, aurait été exclu de bon gré de la table du Conseil? Que ne
sacrifiez vous votre peuple et la justice au nom de la servitude
imposée par Berlin et Rome? Nous, nous nous réunissons toujours à
Genève, et ce ne sont pas encore ni la Gestapo, ni l’Ovra qui sont
chargées d’assurer la garde de cette salle !
Je
sais déjà que dans la réflexion atroce “Quelle est la meilleure
politique à suivre par rapport à la S. des N.?”, il y a sûrement
ceux qui pensent que le meilleur service que nous aurions pu rendre,
afin de contribuer à sa nouvelle floraison, aurait été d’avoir
cessé d’exister en tant que nation indépendante, avant la réunion
du mois de mai. Jusqu’à présent, je suis au regret de le
déclarer: notre courtoisie internationale ne va pas jusque-là! Ceux
qui fondent leur politique extérieure sur une hécatombe prochaine
du peuple espagnol sont appelés à souffrir la même déception que
ceux qui crurent faire coïncider la signature d’un certain accord
de type réaliste avec la “réalité” de l’entrée des
divisions italiennes à Barcelone [...].
Je
ne parviens pas à saisir, Messieurs du Conseil, comment le futur
historique de notre période agitée pourra jamais comprendre que les
pays européens précisément, dont les intérêts vitaux, et même
leur propre existence, se trouvaient menacés si l’agression
germano-italienne en Espagne devait triompher, se mirent d’accord
pour empêcher l’approvisionnement en armes de quelques centaines
de milliers d’Espagnols qui ont décidé avec courage, auquel je
rends hommage ici, d’opposer leur froide et solide détermination à
l’invasion étrangère, et qui sont décidés à ce que l’Espagne
ne perde ni son indépendance, ni sa liberté? Dès lors n’est-il
pas déjà trop évident que le maintien de la non-intervention
constitue la plus monstrueuse injustice et la plus grave faute
politique? […]
Ce
dont il s’agit, ce que réclame le gouvernement espagnol, c’est
le rétablissement pur et simple des dispositions ordinaires du droit
international commun;qu’on lui restitue ses droits à acheter
librement le matériel de guerre que lui a enlevés la mal nommée
non-intervention. C’est-à-dire, une situation de non-intervention
authentique et véritable, dans laquelle les gouvernements n’ont
rien d’autre à faire que de laisser les lois du commerce libre
jouer librement. Une situation parfaitement compatible avec la
position de ces pays qui, plaçant leurs intérêts au premier plan,
maintiennent
la neutralité et l’impartialité la plus stricte et la plus
acharnée vis-à-vis de la question espagnole.
Nous
ne demandons rien de plus, mais nous ne pouvons aussi nous contenter
de moins [...]. Le gouvernement espagnol considère que ce qu’exige
le moment présent,aussi bien dans l’intérêt de la justice qui
est due à l’Espagne que dans l’intérêt de la paix, c’est le
rétablissement immédiat du droit international. Premièrement, en
mettant fin sans retard ni délai à ce simulacre de
non-intervention, dont la survie macabre ternit et raréfie
l’atmosphère internationale. Deuxièmement, en rétrocédant
l’examen des répercussions internationales de la question
espagnole à son enceinte naturelle: la Société des Nations ».
Source:
Ministère
des Affaires Étrangères, Madrid, R1073 E33, Memoria de la
Delegación Española. 101ª Sesión Ordinaria del Consejo. Sociedad
de las Naciones, 29 mai 1938,
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